Humeur n° 1

Rédigé par Yannix Aucun commentaire

Urbanités

Urbanité (source : wiktionnaire) :

urbanité yʁ.ba.ni.te féminin

1. Politesse, affabilité que donne l’usage du monde.

  • L’urbanité, l’esprit chrétien et un je ne sais quoi d’antique et de chevaleresque qui régnait à sa cour, m’avaient fait désirer de la mieux connaître; […]. — (Arnauld d’Abbadie, Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie, 1868)
  • Et allez-y sans esprit critique, avec un parti pris de bonne humeur, d’urbanité et de sympathie communiquante. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
  • Je n’avais pas réfléchi davantage quand j’avais inventé que je m’appelais Urbain, ce nom collait parfaitement à l’assassin des villes que son absence de sentiment autorise à liquider des inconnus en toute urbanité. — (Amélie Nothomb, Journal d’Hirondelle, Albin Michel, Paris, 2006, page 80)
  • C'est bien fait, beau travail, fit-il, je vois que vous avez sacrifié au rite de la petite communauté qui veut que l’intégration ici passe par la production jardinière, une sorte d’urbanité légumière, le raffinement horticole, […]. — (Fabrice Lomon, Pendant que les champs brûlent, Éditions Le Manuscrit, 2012, p. 27)

2. Fait de vivre en ville.

  • Rap visionnaire, trad symphonique, rencontres inédites, héritages revisités ou fidèlement préservés, paroles métisses ou nouvelles urbanités, rythmes, modes, instruments et matériaux tous azimuts. — (Les cinq meilleurs disques de musique du monde en 2010 - Biodiversité musicale, Le Devoir.com, 29 déc 2010)

Il y a un temps pour tout. En écrivant cela, j'ai l'impression d'enfoncer une porte ouverte et d'aller me vautrer dans un lieu vide de sens. Au fond, s'il y a un temps pour tout, il y a surtout un temps pour chaque chose, un temps pour chacun et un instant pour chaque moment. Parce que chaque tranches de vie est un instant et que cet instant se traduit par une représentation imagée qui définit le temps de cet instant. Et la période est propice à la compréhension de ce concept, les confinements n° 1 du printemps et n° 2 de l'automne 2020, entrecoupé de l'été du "déconfinement" en sont deux illustrations parfaites !
Au temps d'une l'enfance à la campagne a succédé le temps du travail dans la cité. Aux arbres et broussailles qui égayaient mon quotidien ont succédé les grues et les rues bordées de murs pour tout horizon. Au vert décliné dans un camaieu de tons naturels, printanier et estival, se transmutant en ocre et marron, automnal et hivernal, ont succédé le monotone gris béton et le ruban bleu-noir du goudron, parfois un ton rouille sur le trottoir, permanents en toutes saisons. Aux senteurs fraîches, exhalaisons animales et végétales, ont succédé les effluves fétides de l'urine, des poubelles jetées pêle-mêle en attendant les éboueurs - qu'ils se manifestent ou non -, et des gaz d'échappement. Au herbes folles de l'été et aux feuilles mortes de l'automne ont succédé les papiers gras, les plastiques, tessons de bouteilles à longueur d'année. Au son du vent dans les arbres faisant chanter les feuilles a succédé celui des moteurs furieux fracassant les tympans. Au silence paisible du champ a succédé un fond sonore rémanent et récurrent de la cité grouillante. A la liberté de traverser sans limite les champs à perte de vue a succédé une fenêtre qui donne sur une rue.

J'ai passé de nombreuses années dans quelques mètres carrés, au milieu de nulle part : j'étais marin et sur mon petit bateau, c'était l'immensité des océans qui faisait mon quotidien, les vagues formaient des murs rugissants et les mouettes indiquaient la terre proche. Là, mon horizon n'avait pour seule limite que la hauteur des éléments et la rotondité de la Terre. Et quand un jour j'ai posé mon sac sur mon île aux antipodes, je suis resté sur la plage pour garder ce privilège de n'avoir pas de limite et conserver un horizon lointain. Mais ça, c'était il y a bien longtemps.
Alors je me suis adapté. J'ai changé ma tenue de marin pour une tenue urbaine, ma casquette de baroudeur pour un chapeau urbain. Et je me suis fondu dans le flux, dans un sens le matin, dans l'autre sens le soir. Je connaissais les flux et reflux de la marée, j'en découvre d'autres aujourd'hui et je m'y joins deux fois par jour. Et les pieds dans des chaussures parfois trop serrées, pour ne pas marcher nu-pieds sur la chaussée comme je le faisais sur le sable, je vais arpentant les rues et les trottoirs vers une destination en forme de point d'interrogation.

De marin, je suis devenu urbain. Soit ! Quelle promotion, je pouvais légitimement m'en énorgueillir, je devenais presque civilisé, moi, issu d'un monde où la règle des gens de mer consistait à se saluer de loin, à ne pas abandonner nos coreligionnaires victimes de fortunes de mer et à se laver quand il y avait de l'eau, et je ne parle pas du reste. Urbain ! Ce mot reflète un certain art de vivre, presque chevaleresque. Quelles idées m'étais-je faites ! Sur quelle planète vivais-je ? De nos jours, c'est marche ou crève. Ou pour être plus exact, je te marche dessus ou je te crève ! Il y a beau temps que l'urbanité, si elle incarne une façon de vivre en ville, n'emporte plus avec elle l'élégance qu'elle induisait autrefois. Dans mon autrefois, à moi. Et "autrefois", ce n'est pourtant pas si vieux...

Il y a un temps pour tout, un temps pour chaque chose, et la succession de ces temps se compile en une succession de tranches de vie. L'instinct grégaire de l'homme le pousserait-il à venir s'agglutiner dans les villes ? Question qui appelle sans doute une réponse mais qui n'en trouvera pas ici. Je ne peux que constater ce qu'un organisme simple et microscopique est capable d'engendrer comme ravages dans une population urbanisée...
C'est l'histoire de millions de personnes, de couples, d'enfants et d'adultes, de jeunes et de moins jeunes. C'est un déracinement accepté bien souvent, voulu ou subi, parce que le travail est à la ville et que le chômage est une raison d'y rester - des fois que l'on trouverait à nouveau du travail -, les plaisirs et les tentations plus faciles en milieu urbain qu'en milieu rural. A chacun son lot de vicissitudes après tout !

Classé dans : général, libre Mots clés : cadre de vie

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