Blog du cahier de brouillon

Les urgences de l'hôpital

Je n'ai pas la prétention de me substituer aux professionnels pour renouveler le genre des soaps et autres séries qui distillent sur le petit écran les turpitudes des usagers et des soignants qui peuplent les hôpitaux imaginaires créés par les géniaux esprits scénaristiques. Je ne m'y risquerais pas et ne prendrais pas le risque de m'y aventurer. Chacun son métier !

Ces histoires, bien construites, ne manquent pas de ressort et de rebondissement, agrémentées d'une pointe de romantisme, voire de temps à autre d'érotisme, et de juste ce qu'il faut de suspense. Un brillant chirurgien qui se découvre une passion irréfrénée et inavouable pour le whisky, un coup de simili scalpel malheureux qui fait jaillir un jet d'hémoglobine, arrosant au passage copieusement l'assistance, un patient dont le pronostic vital est engagé pendant une saison complète qui guérit grâce à l'amour d'une petite fille, une jolie infirmière dans le doute, hésitant entre son mari brancardier et son chef de service, un directeur d'hôpital qui cherche à tout prix à torpiller son propre établissement par vengeance ou tout autre motif qu'il sera loisible de trouver. Ce ne sont là que quelques situations qui jalonnent, pour la joie des aficionados, les kilomètres de pellicules qui font la promotion de ce monde médical. D'un monde médical vu par l'industrie du cinéma, devrais-je préciser.

J'ai eu, par nécessité et non par goût, il y a un peu plus d'un an, l'occasion de visiter les urgences du centre hospitalier local. La visite était celle d'un patient, j'aurais aimé la faire à la manière d'un journaliste cherchant matière à son reportage. De là, j'oscille entre frustration et raison.

Oui, frustration. Je suis frustré de ne pas avoir eu affaire à une équipe copie conforme à celle que les séries savent si bien mettre en scène ! Les médecins - hommes ou femmes - que je croisais sont professionnels, et à mon grand dam, n'adoptent pas des postures qui font croire au grand amour ; les infirmières sont motivées par l'idée fixe de faire leur travail et chacun tient sa distance, les relations instaurées tenant plus de celles vues dans "La grande vadrouille", séquence entre la bonne soeur des Hospices de Beaune et le pilote, que du fantasme masculin. Et là je me dis que la raison reprend le pas sur l'illusion, que le monde se partage en deux : ceux qui croient aux chimères et qui veulent en mettre plein les yeux à tout le monde en écrivant, jouant, diffusant des soaps, et ceux qui ont bien les pieds sur Terre, ceci dût-il être mal vu, et qui n'ont pour surprise que celle d'être pris en charge par des personnes respectueuses des autres. Alors, respect à tous ces gens-là, qui font leur travail, et qui le font bien.

Le fait est que j'ai écrit ces quelques lignes bien avant la situation liée à l'épidémie du Covid-19 que nous connaissons depuis près de trois mois. Ce sont encore ces mêmes personnels qui ont encaissé le choc de la crise, et qui continueront à assurer avec ferveur et professionnalisme leur métier. Personne ne s'y est trompé, en témoigne les applaudissements quotidiens de la fin de journée pendant toute la période du confinement. A l'époque, le secteur hospitalier était maltraité et en souffrance et peu ou pas écouté par les décideurs ; pendant le paroxysme de la crise, ce qui ressemble à une prise de conscience est apparue - due à la spontanéité d'un électorat en devenir ; la situation étant moins oppressante, la mémoire s'étiole et les comportements antérieurs reprennent leur place. L'oubli est là pour lisser les tensions et faciliter le retour à la situation antérieure.

Combien faudra-t-il de morts supplémentaires pour doter les services hospitaliers des moyens nécessaires à leurs missions ?